Les lieux, les intervenants et les partenariats
A. Les lieux
L’emplacement géographique et la complexité physique influencent grandement la gouvernance et l’exploitation des lieux. Bien qu’il existe des questions universelles et des pratiques exemplaires qui concernent tous les lieux, les caractéristiques de l’emplacement et la taille du lieu déterminent certaines dynamiques d’intendance partagée dont il faudrait tenir compte. Les solutions doivent être personnalisées pour répondre aux besoins spécifiques du lieu.
Géographie :
Lieux éloignés :
L’emplacement entraîne une baisse du nombre de visiteurs, de sorte que l’on s’attarde moins à l’expérience du visiteur, mais que l’on priorise plutôt un engagement communautaire véritable. Il arrive souvent que la communication et les relations avec les membres de la communauté soient plus faciles en raison de la proximité au quotidien.
Lieux ruraux :
Ces lieux présentent des défis uniques en ce qui concerne la capacité de croissance, souvent avec moins de ressources. Il arrive souvent que l’engagement communautaire soit plus aisé, bien qu’il puisse y avoir des difficultés à recruter du personnel et des bénévoles avec le temps. Un lieu rural peut jouer plusieurs rôles pour sa communauté (lieu de rassemblement, services de restauration, parcs) et doit être capable de s’adapter en conséquence.
Lieux urbains :
La densité urbaine implique de faire face à des volumes plus élevés de visiteurs, ainsi qu’à des contraintes accrues dans le cadre des opérations d’exploitation et de l’entretien au quotidien. On compte habituellement un plus grand nombre de partenariats et d’intervenants sur le site, et les forces de développement exercent des pressions sur les relations avec les tiers en raison du besoin de défendre les empiétements sur les paysages qui peuvent être des caractéristiques déterminantes du site.
Typologies :
Lieux complexes ou vastes :
Les lieux immenses ou qui présentent certaines caractéristiques, comme les parcs, rendent le partenariat plus complexe, contraignent à ajouter de nouveaux intervenants à la discussion et augmentent le nombre de défis à relever, en particulier en ce qui concerne l’accès public, les responsabilités et l’entretien. Ce n’est pas nécessairement négatif, puisque cela peut permettre « d’ouvrir d’autres portes » en matière de croissance et de partenariats.
Lieux de petite ou de moyenne taille :
La gestion est plus directe, mais ces lieux présentent leurs propres défis lorsqu’il s’agit d’adapter les opérations d’exploitation aux besoins de la communauté tout en restant pertinents.
Propriétaire :
En tant que détenteur du titre légal, le propriétaire est ultimement responsable de l’intendance à long terme du lieu historique. En vertu de son propre mandat et de sa réponse à la valeur accordée au site par la communauté, le propriétaire détermine également la mesure dans laquelle l’histoire du lieu fait l’objet d’une interprétation active. Une personne peut devenir propriétaire de bien des façons, par exemple à la suite d’une acquisition, d’un legs, d’un don ou d’une expropriation. Savoir qui est propriétaire du lieu (et pour quelles raisons) est déterminant pour la gestion du lieu.Exploitant :
Le terme « exploitant » désigne l’intervenant qui joue un rôle important en supervisant les activités du lieu au jour le jour. Les propriétaires s’en remettent souvent à des exploitants secondaires lorsqu’ils ne disposent pas du mandat, de l’expertise ou de la capacité d’exploiter le lieu eux-mêmes. Dans le cas des sites gouvernementaux dont le propriétaire est physiquement éloigné, il s’agit souvent d’une décision délibérée de faire appel à un exploitant local qui est mieux placé pour représenter les besoins et les intérêts de la communauté. Les exploitants secondaires disposent souvent de plus de souplesse et d’un ensemble de compétences spécifiques pour s’occuper au lieu.Tiers :
Les tiers représentent des groupes qui soutiennent les opérations d’exploitation en plus de l’exploitant principal. Ils peuvent jouer différents rôles essentiels au niveau de l’intendance du lieu, comme la collecte de fonds, la défense des intérêts, la programmation ou les services de restauration, et ils sont plus efficaces lorsqu’ils se concentrent sur des objectifs spécifiques. Ces rôles peuvent être assumés par des groupes de bénévoles, des organismes à but non lucratif ou des entreprises commerciales, chacun contribuant aux initiatives par une expertise ou des services spécialisés. Les tiers représentent souvent les intérêts des membres de la communauté, offrant ainsi un lien direct avec eux. Ils peuvent également diversifier les offres du lieu et attirer de nouveaux publics au-delà de la population traditionnelle des visiteurs des lieux historiques.
Suivre les changements dans le type de propriété : Avec le temps, la capacité d’un partenaire à entretenir un site peut varier, entraînant une instabilité en matière de viabilité à long terme et d’intendance efficace. Les partenaires devraient rester ouverts à l’idée d’envisager des changements dans un partenariat si ceux-ci surviennent dans le but d’assurer que les lieux historiques dont ils s’occupent continuent d’être protégés et appréciés du public. De tels changements peuvent survenir lorsqu’un exploitant tente d’en devenir le propriétaire, ce qui n’est conseillé que lorsqu’une expertise appropriée, des ressources et une saine planification sont réunies pour assurer une intendance responsable. Il ne s’agit pas de rationaliser la réaffectation des lieux historiques ou de rapatrier abruptement les opérations d’exploitation lorsque des difficultés surviennent, mais plutôt de reconnaître que le succès de l’intendance repose sur chaque partenaire qui doit assumer pleinement le rôle qu’il est le mieux en mesure de jouer, en le faisant en pleine connaissance des défis et des possibilités qui accompagnent ce rôle. |
Intendance et points de vue des Autochtones : En raison de la nature évolutive des lieux historiques autochtones dans le contexte sociopolitique actuel, la trousse d’outils explore avec précaution les pratiques exemplaires en lien avec les points de vue des Autochtones. De nombreux lieux réexaminent actuellement leur relation avec le patrimoine autochtone, alors que la propriété et la gouvernance autochtones de nombreux lieux culturels sont en train d’être restaurées. Les modèles émergents en matière d’intendance autochtone basée sur l’autodétermination nous donnent un aperçu de l’avenir de ces lieux, dont la copropriété et la cogestion font partie. |
C. Les partenariats
Étant donné que les propriétaires des lieux publics gèrent souvent plusieurs propriétés et ne possèdent pas toujours d’expertise en matière de gestion de lieux historiques, l’engagement d’une partie secondaire axée sur le patrimoine constitue une stratégie efficace. Dans le cadre d’un tel arrangement, l’exploitant se voit confier la responsabilité et l’autonomie à différents degrés, selon les besoins spécifiques de chaque propriétaire et de chaque lieu. Les propriétaires assument l’autorité en ce qui a trait à la gestion de la propriété, alors que les exploitants gèrent le lieu en vertu de leur propre mandat.
Les exploitants se réfèrent souvent au propriétaire du lieu en ce qui concerne les fonds, la préservation du patrimoine et l’orientation stratégique générale tout en s’occupant eux-mêmes de l’interprétation, de la programmation et de l’exploitation du lieu. Les propriétaires apportent habituellement un certain soutien financier pour la programmation et les opérations d’exploitation, mais les exploitants doivent quant à eux augmenter leur budget par des collectes de fonds et la génération de revenus.
Forces :
Cela permet aux experts de gérer l’interprétation historique et l’activation du lieu, alors que l’avantage public reste sous le contrôle du gouvernement qui doit assurer sa viabilité à long terme.
Exemples :
Musée d’Oshawa, Huble Homestead, Maison Joy Kogawa, île Beaubears
Type de partenariat qui concerne les lieux publics, alors qu’un groupe commercial à but non lucratif agit à titre de principal exploitant et que l’interprétation historique active du lieu est limitée. Dans ces cas, les lieux historiques ont une autre fonction, au-delà de la préservation historique, comme le développement social ou l’hébergement.
Lorsqu’une entité commerciale joue le rôle d’exploitant principal, elle est plus indépendante sur le plan financier et elle gère le lieu en offrant un service spécifique plutôt que des programmes d’interprétation. Les propriétaires ou les tiers peuvent voir l’interprétation comme un élément complémentaire des services offerts sur le site.
Forces :
L’offre représente un moyen d’animer un lieu historique sous un nouvel angle pouvant répondre de manière plus pertinente aux besoins d’une communauté ou poursuivre une utilisation véritable d’un lieu et d’un intérêt public.
Exemples :
Hôtel historique The Guild Inn Estate, New Dawn Centre for Social Innovation, Camp Easter Seal SaskAbilities
Type de partenariat rencontré souvent dans les grandes propriétés, les lieux institutionnels, comme les sites religieux, militaires et les lieux historiques comme les parcs, où le public a accès au terrain. La présence accrue du public dans les espaces extérieurs moins réglementés rend l’entretien et l’utilisation communautaire plus complexes, alors que les groupes de tiers apportent une présence supplémentaire importante en matière d’intendance.
Les propriétaires représentent la propriété publique et conservent l’autorité suprême en plus d’exploiter le site. Il arrive souvent que des partenariats soient mis en place pour rehausser l’intérêt public, incluant les activités d’interprétation et de programmation, les concessions commerciales, par exemple, pour la restauration ou les boutiques de cadeaux, ou la collecte de fonds pour renforcer le patrimoine. Ces tiers collaborent avec le propriétaire et représentent souvent les intérêts de la communauté.
Forces :
Lorsqu’ils sont bien gérés, ces lieux peuvent offrir de nombreuses possibilités de collecte de fonds, une implication forte des communautés locales, et des expériences éducatives enrichissantes pour le public.
Exemples :
Guild Park, Allan Gardens, Citadelle-d’Halifax, The Spire of Sydenham
Les groupes commerciaux de tiers participent de plus en plus à la mise en valeur des programmes sur les lieux historiques. Qu’il s’agisse de jeux d’évasion, de lancer de haches ou de yoga avec des chèvres, la variété accrue de l’offre que proposent les groupes commerciaux peut faire de l’endroit un lieu plus dynamique. Les groupes commerciaux de tiers paient habituellement un tarif par utilisation ou par participant au propriétaire ou à l’exploitant qui exploite entièrement le site et fournit un accès limité.
Forces :
Ce type de partenariat permet de diversifier l’expérience du visiteur tout en attirant de nouveaux publics et en augmentant possiblement les revenus.
Exemples :
Maison Lougheed, Black Creek Pioneer Village, Le Diefenbunker
Un modèle coopératif s’instaure sur les lieux à usage partagé qui sont habituellement utilisés à des fins sociales ou artistiques, où plusieurs à but non lucratif s’unissent pour louer une propriété et bénéficier des avantages économiques et communautaires du partage des ressources. Il est possible de repenser les lieux historiques comme des espaces polyvalents regroupant plusieurs partenaires commerciaux et à but non lucratif en tant qu’exploitants. L’utilisation partagée peut ne pas convenir à tous les lieux historiques, mais elle donne lieu à de nouvelles possibilités de participation publique.
On assiste de plus en plus à l’apparition d’une structure coopérative sur les sites patrimoniaux autochtones, alors que les définitions de la propriété au Canada font l’objet de modifications tout au long du processus de réconciliation. Dans certains cas, une municipalité, une province, un territoire ou le gouvernement fédéral restera propriétaire du terrain et participera à des opérations coopératives avec des groupes autochtones. Les voix autochtones dirigent les activités d’interprétation et veillent à l’exploitation et à l’utilisation appropriées des sites culturels autochtones. Ce modèle comporte une variante qui consiste à partager la copropriété et l’exploitation d’un site entre un organisme gouvernemental et un groupe autochtone. Selon l’une ou l’autre de ces approches, les responsabilités en ce qui concerne l’entretien, la planification et l’interprétation, entre autres, sont abordées dans un esprit de collaboration, mais le gouvernement s’engage à verser un certain montant de fonds et à apporter son soutien.
Forces :
Ce type de partenariat permet de développer l’utilisation des lieux historiques pour en faire profiter plusieurs parties. Les sites autochtones bénéficient d’une attention accrue lorsque des groupes autochtones pertinents dirigent le processus d’intendance axé sur les besoins et sur les intérêts des membres de la communauté.
Exemples :
Arts Habitat Edmonton, lieux historiques des Premières Nations du Yukon, Lieu historique national Obadjiwan–Fort-Témiscamingue