Fiche-conseils : L’entreprise sociale : Un outil pour soutenir un site du patrimoine

De quoi s’agit-il?


L’entreprise sociale est un concept mal compris, d’autant qu’il n’a pas de définition universelle.

Cependant, aussi nombreuses soient les définitions, elles contiennent toujours trois éléments clés :

  1. Le but premier de l’entreprise doit être de répondre à une lacune ou un besoin d’ordre social* dans notre société.
  2. L’entreprise est persistante, et non une campagne de financement ou autre activité ponctuelle.
  3. Il doit y avoir vente d’un produit ou service à un consommateur, la transaction donnant lieu à un échange de contreparties de valeur.

* À noter : L’expression « besoin d’ordre social » englobe les besoins des personnes, tels qu’un emploi valorisant et rémunéré, un logement convenable, la réduction de la pauvreté ou la protection des droits de la personne, aussi bien que des besoins en matière d’environnement, de culture ou de loisirs.

Questions fréquemment posées


Jonathan Wade est président de Social Delta, une firme de conseils en entreprise sociale établie à Ottawa et comptant des clients partout au pays. Il fournit des services d’accompagnement et des conseils à des particuliers, des coopératives, des organismes sans but lucratif ou des entreprises, pour la conception, la création, la mise au point, le financement, le lancement, la commercialisation et le développement d’entreprises sociales. Pour de plus amples renseignements ou pour communiquer directement avec Jonathan, rendez-vous à www.socialdelta.ca.

01. Est-ce que je peux gagner de l’argent dans une entreprise sociale?

Oui. Une entreprise sociale peut (et devrait) payer à ses employés et à ses cadres des salaires qui sont comparables à ceux d’emplois semblables sur le marché… donc une personne peut certainement gagner de l’argent sous forme de salaire ou en vertu d’un contrat. Par ailleurs, comme entité, une entreprise sociale peut réaliser un bénéfice tant qu’elle s’attache toujours à maximiser sa ou ses missions sociales, environnementales, culturelles ou récréatives. Le bénéfice est défini comme l’excédent des revenus totaux provenant des ventes par rapport aux dépenses totales (salaires y compris). Dans une entreprise rentable, il y a des façons soit de réinvestir les bénéfices dans la mission sociale, soit de les minimiser afin de maximiser un résultat social.

02. Est-ce qu’il faut être un organisme sans but lucratif pour être une entreprise sociale?

Non. Les éléments communs de la définition ne mentionnent pas une forme donnée d’entité. Une entreprise sociale peut être une entreprise à propriétaire unique, une société, un organisme sans but lucratif (même un organisme de bienfaisance enregistré) ou une coopérative. Chacune de ces structures a ses avantages et ses inconvénients. Un entrepreneur social devrait choisir la forme d’entité qui convient le mieux à la fonction de l’entreprise.

03. Quels genres de produits ou services est-ce qu’une entreprise sociale peut vendre?

Tout ce que quelqu’un pourrait acheter. Il y a des entreprises sociales qui proposent du logement, des services de traiteur, de l’énergie renouvelable, de l’ébénisterie, des services et des produits de couture, des vélos en location, de l’aménagement paysager, de la recherche… La liste est longue. Le meilleur produit ou service à vendre dépend de deux questions fondamentales : qu’est-ce que vous (et votre organisation) êtes le mieux en mesure de faire?; qu’est-ce qu’un consommateur est prêt à acheter? Ces deux questions peuvent être abordées dans une solide étude de faisabilité tenant compte à la fois de vos capacités et des données du marché.

04. Notre musée, dont le personnel est principalement bénévole, peut-il être une entreprise sociale?

Absolument. Toute entreprise peut engager des bénévoles, mais une entreprise sociale aura souvent une équipe de bénévoles (administrateurs, conseillers, gestionnaires et même personnel de première ligne) travaillant pour maximiser les retombées sociales de l’entreprise. La clé, pour une entreprise sociale, consiste à planifier ses activités en tenant compte du risque associé au bénévolat et en prévoyant des stratégies pour l’atténuer. Il faut noter qu’en raison de leur mission, de nombreuses entreprises sociales reçoivent aussi des dons sous forme de biens ou d’expertise. Ils sont précieux, et il y a lieu de suivre leur évolution à mesure que les activités prennent de l’ampleur.

05. Notre organisme sans but lucratif n’a pas d’argent. Comment pouvons-nous lancer une entreprise sociale?

Tel est probablement le cas pour 90 % des entreprises sociales lancées par des organismes sans but lucratif (et, de fait, 90 % des entrepreneurs privés). Pour de nombreux organismes sans but lucratif, la voie de l’entreprise sociale est souvent envisagée seulement après la perte de subventions ou de donateurs qui les soutenaient depuis longtemps. Le premier facteur à prendre en compte est le fait qu’il faut en général un à trois ans pour planifier une entreprise sociale, la lancer et l’établir. Une entreprise sociale est un investissement dans le cadre d’une stratégie à long terme visant à produire des retombées sociales, et non une réponse immédiate à un manque de financement. Il vaut la peine de rechercher une subvention ou d’utiliser des soldes de fonds disponibles pour investir dans une séance de planification stratégique, suivie d’une étude de faisabilité en règle pour un ou deux secteurs d’activité plausibles. Ce processus peut prendre de 6 mois à 1 an.

Si une idée d’entreprise est jugée financièrement réalisable ET si elle peut apporter une contribution importante à votre mission sociale, élaborez un plan d’affaires qui pourra servir à obtenir du capital de démarrage et à lancer l’entreprise. Des investissements modestes mais judicieux commenceront à produire des revenus modestes. Ces revenus pourront être réinvestis dans l’entreprise pour en accroître l’ampleur et la portée. Une telle stratégie de lancement par itérations successives peut être lente, mais elle peut aussi minimiser le risque financier et produire des données réelles sur le marché pour étayer ou invalider les hypothèses et les attentes issues de la recherche sur le marché.

06. Comment est-ce que je peux obtenir du capital de démarrage?

Une bonne idée d’entreprise peut toujours intéresser des investisseurs. Il en va de même pour une bonne idée d’entreprise sociale, qui peut en outre avoir accès à des investissements sociaux, des dons ou des subventions en s’adressant à des particuliers, des gouvernements ou des fondations. En outre, s’il dispose d’un solide plan d’entreprise, un entrepreneur social peut éventuellement obtenir des prêts ou du financement provisoire auprès de banques, de caisses populaires ou d’un organisme ou fonds d’investissement social – dont le nombre est en augmentation. Évidemment, comme dans tout démarrage d’entreprise, un entrepreneur social peut aussi investir personnellement en utilisant son propre crédit ou ses économies. Cette option peut toutefois être risquée si l’entreprise ne réussit pas ou si sa propriété est répartie entre plusieurs parties (comme dans le cas d’une coopérative ou d’un organisme sans but lucratif).

07. Notre immeuble/terrain a besoin de réparations/restauration. Comment pouvons-nous l’employer pour engendrer des revenus?

Il y a deux options : trouver l’argent pour faire les travaux, ou chercher parmi vos actifs d’autres éléments qui pourraient être commercialisés. Un musée, un camp pour enfants ou un gîte du passant ne peut pas être exploité de façon rentable (ou en toute sécurité) dans un immeuble décrépit ou sur un terrain contaminé. Vous envisagez probablement une entreprise sociale comme moyen de produire les revenus dont vous avez besoin pour effectuer les réparations ou la restauration. La plupart des organisations et particuliers disposent d’autres actifs qui pourraient servir à créer des produits ou services à vendre. Voici une courte liste d’exemples provenant d’organisations du secteur du patrimoine :

  1. L’expertise de l’organisation, par exemple en matière d’aménagement de terrains ou d’analyse historique, peut servir à une entreprise de services-conseils.
  2. Les programmes de camps de l’organisation peuvent être vendus à d’autres organismes ou mis en œuvre dans un autre lieu.
  3. Des panneaux solaires peuvent être installés sur la propriété de l’organisation en vue de vendre l’électricité produite.
  4. Une organisation de tourisme d’aventure (randonnées pédestres, découverte de la nature, promenades en raquette, traîneau à chiens, bungee) peut mener ses activités sur de grands territoires protégés.
  5. Des bâtiments annexes de l’organisation peuvent être loués pour de l’entreposage hivernal.

Ne vous limitez pas à un musée saisonnier ou à une série de conférences, comme activités génératrices de revenus. Prenez en compte l’ensemble du capital social, expérientiel, physique, financier, culturel et humain de votre organisation ou de votre communauté qui pourrait servir à une entreprise fructueuse.

08. Gérer une entreprise sociale semble difficile. Pourquoi est-ce que je voudrais le faire?

En deux mots : revenus disponibles.

Exploiter une entreprise est effectivement beaucoup de travail. Et de temps. Et peut-être de risques. Souvent, il faut acquérir de nouvelles compétences. En revanche, préparer des demandes de subvention ou mettre en œuvre des activités de financement est aussi beaucoup de travail, et peut être accaparant, risqué et décevant. En outre, les subventions sont liées à des résultats précis et peuvent rarement servir aux frais généraux que toute organisation doit assumer : salaires administratifs, services publics, promotion et outils d’image de marque, entre autres. L’entreprise sociale n’est certes pas la meilleure option dans toutes les situations, mais une option qu’il est utile d’envisager dans le cadre d’un plan stratégique, quand il serait pertinent de disposer de revenus que l’organisation peut utiliser librement pour restaurer ou exploiter une propriété du patrimoine.

09. Pouvons-nous avoir une modeste entreprise sociale et quand même demander des subventions?

Absolument. De nombreuses organisations comptent à la fois sur les activités de financement et la recherche de subventions ET sur les ventes et les revenus gagnés. Une telle stratégie apporte de la sécurité grâce à la diversification. L’entreprise sociale est un outil qui peut être utilisé de concert avec d’autres pour créer un changement social ou des bienfaits sociaux. Cependant, une telle stratégie bivalente peut aussi être incroyablement taxante et elle peut être insoutenable (surtout dans une organisation familiale ou bénévole où les intervenants sont plus âgés). En outre, les compétences nécessaires à la gestion d’une entreprise ou à la sollicitation de dons et de subventions ne sont pas toujours les mêmes. Résultat, soit le programme des activités de financement, soit l’entreprise peut souffrir.

Bons conseils pour une entreprise sociale


De nombreux éléments doivent être réunis pour gérer une entreprise efficace, et le lancement d’une entreprise à l’appui d’un objectif social peut être un projet ambitieux, surtout pour des non-initiés. Malgré tout, le projet peut être gratifiant si vous avez les moyens de créer et de vendre un produit ou service que quelqu’un veut acheter. Si ces ventes répondent aussi ou contribuent à votre mission sociale (éducation, emploi, préservation historique, sensibilisation culturelle, …), alors l’entreprise sociale est une option qu’il vaut la peine d’envisager. Si une entreprise sociale vous tente, voici quelques conseils :


01. Connaissez votre structure de coûts.

Si vous comprenez vos dépenses actuelles pour l’infrastructure, le personnel, l’entretien et autres, vous pourrez d’autant mieux déterminer l’ampleur que devrait avoir votre entreprise, sa portée et sa structure de prix.

02. Engagez des personnes ayant les compétences voulues.

Si personne ne possède les compétences et la motivation voulues pour concevoir, planifier et exploiter l’entreprise, elle échouera. Planifiez l’entreprise de façon à produire suffisamment de revenu pour engager un gestionnaire ou un responsable des opérations disposant des compétences nécessaires. Si vous avez besoin d’aide pour la planification, le financement, le marketing ou les opérations, envisagez un investissement modeste pour engager un consultant en entreprise sociale. Comme dans tout domaine, un professionnel peut vous aider à gagner du temps et de l’argent sur le long terme.

03. Ne commencez pas simplement à vendre n’importe quoi.

Prenez le temps de déterminer quel est le meilleur investissement possible dans une entreprise. Renseignez-vous sur les concurrents, les collaborateurs, les tendances et les possibilités qui se présentent. Faites des choix éclairés en investissant de l’argent, du temps et d’autres biens dans la nouvelle entreprise. Ne vous perdez pas dans un labyrinthe de planification, mais ne manquez pas d’examiner les facteurs clés du succès et des retombées de votre entreprise.

04. Soyez patient.

L’entreprise ne produira probablement pas de grandes entrées de fonds avant un an ou deux. Il pourrait y avoir une période où vous devez payer des dépenses sans savoir quand vous gagnerez de l’argent. L’élaboration d’un plan itératif aide à définir des étapes intermédiaires pour vous aider à évaluer votre succès dans les phases conception, investissement et lancement.

05. Faites des choix qui maximisent les retombées sociales.

Il y a beaucoup d’idées d’entreprise, et vous avez peut-être déjà pensé à de nombreuses idées viables. Assurez-vous de choisir l’idée qui apportera le plus grand bénéfice net dans l’optique de votre mission sociale, qu’elle soit environnementale, culturelle, récréative, historique ou autre.